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comment vous remercier ; vous me rendez le courage et faites de moi un homme presque aussi résolu que vous.

— Oh ! tant mieux si vous reprenez espoir, répondit Louis, qui avait rougi aux paroles de son ami.

Don Tadeo se tourna vers Joan.

— Mon frère reste ? dit-il.

— Je suis aux ordres de mon père, répliqua l’Indien.

— Puis-je me fier à mon frère ?

— Joan n’a qu’un cœur et une vie, tous deux appartiennent aux amis de Curumilla.

— Mon frère a bien parlé, je serai reconnaissant envers lui.

L’Indien s’inclina.

— Que mon frère revienne ici au troisième soleil, il nous guidera sur la piste de Curumilla.

— Au troisième soleil, Joan sera prêt.

Et, saluant les trois personnages avec noblesse, l’Indien se retira pour prendre quelques heures d’un repos qui lui était indispensable après la marche forcée qu’il avait faite.

— Don Gregorio, reprit le dictateur, en s’adressant à son lieutenant, vous n’expédierez le général Bustamente à Santiago que dans trois jours. Je me joindrai à l’escorte jusqu’à la fourche où commence la route de San-Miguel. Ces trois jours vous sont indispensables, dit-il en souriant à Louis, nous ne savons pas quels sont les dangers et les fatigues qui nous attendent dans le voyage que nous allons entreprendre, il faut, mon ami, que vous soyez en état de les supporter.

— Encore trois siècles à attendre ! murmura le jeune homme avec accablement.




IV

LE HALLALI.


Nous retournerons auprès de Curumilla.

La nuit était noire, l’obscurité profonde.

Penchés sur le cou de leurs chevaux qu’ils excitaient du geste et de la voix, les fugitifs couraient à toute bride vers une forêt qui dessinait à l’horizon ses sombres contours.

Mais les inextricables méandres du sentier qu’ils étaient obligés de suivre semblaient éloigner le but vers lequel il tendaient.

S’ils atteignaient la forêt, ils étaient sauvés !

Un silence de plomb pesait sur le désert.

Par intervalles, le vent d’automne sifflait tristement à travers les arbres et couvrait à chaque rafale les voyageurs d’une pluie de feuilles mortes.