Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Son état était des plus satisfaisants ; sauf une grande faiblesse, il se sentait beaucoup mieux.

La visite de don Tadeo lui fit plaisir.

Trangoil Lanec ne s’était pas trompé ; par un hasard miraculeux, les poignards n’avaient fait que glisser dans les chairs ; la perte du sang causait seule la faiblesse que ressentait le jeune homme, dont les blessures commençaient déjà à se fermer, et qui, dans deux ou trois jours au plus tard, pourrait reprendre son train de vie ordinaire.

Par une espèce de bravade, un peu dans son caractère, Louis était habillé ; à demi couché dans un vaste fauteuil, il lisait lorsque don Tadeo et don Gregorio pénétrèrent dans sa chambre.

Don Tadeo s’approcha vivement de lui et lui serra la main.

— Mon ami, lui dit-il avec chaleur, c’est Dieu qui vous a jetés, vous et votre compagnon, sur mon passage ; je vous connais à peine depuis quelques mois, et déjà j’ai contracté envers vous deux, envers vous surtout, de ces dettes sacrées dont il est impossible de s’acquitter jamais.

À ces paroles amicales, l’œil du jeune homme rayonna, un sourire de plaisir plissa ses lèvres et une légère rougeur monta à ses joues pâlies.

— Pourquoi attacher un aussi haut prix au peu que j’ai pu faire, don Tadeo ? dit-il. Hélas ! j’aurais donné ma vie pour vous conserver doña Rosario.

— Nous la retrouverons, fit énergiquement don Tadeo.

— Oh ! si je pouvais monter à cheval, s’écria le jeune homme, je serais déjà sur ses traces !

En ce moment la porte s’ouvrit et un péon dit quelques mots à voix basse à don Tadeo.

— Qu’il vienne ! qu’il vienne ! s’écria-t-il avec agitation ; et se tournant vers Louis, qui le regardait étonné : Nous allons avoir des nouvelles, lui dit-il.

Un Indien entra.

Cet Indien était Joan, l’homme que Curumilla n’avait pas voulu tuer.




III

JOAN


Les sordides vêtements qui couvraient le corps de l’Indien étaient souillés de boue et déchirés par les ronces et les épines.

On voyait qu’il venait de faire une course précipitée à travers les halliers, dans des chemins affreux.

Il salua les personnes en présence desquelles il se trouvait avec une grâce