Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DEUXIÈME PARTIE

I

CURUMILLA

Afin de bien expliquer au lecteur la disparition miraculeuse de doña Rosario, nous sommes obligé de faire quelques pas en arrière, et de retourner auprès de Curumilla, au moment où l’Ulmen, après sa conversation avec Trangoil Lanec, s’était mis comme un bon limier sur la piste des ravisseurs de la jeune fille.

Curumilla était un guerrier aussi renommé pour sa prudence et sa sagesse dans les conseils, que pour son courage dans les combats.

La rivière traversée, il laissa entre les mains d’un péon, qui l’avait accompagné jusque-là, son cheval qui, non seulement lui devenait inutile, mais encore qui aurait pu lui être nuisible en décelant sa présence par le bruit retentissant de ses sabots sur le sol.

Les Indiens sont des cavaliers émérites, mais ils sont surtout des marcheurs infatigables. La nature les a doués d’une force de jarrets inouïe, ils possèdent au plus haut degré la science de ce pas gymnastique relevé et cadencé que, depuis quelques années, nous avons, en Europe et particulièrement en France, introduit dans la marche des troupes.

Ils accomplissent avec une célérité incroyable des trajets que des cavaliers lancés à toute bride pourraient à peine fournir ; coupant toujours en ligne droite, pour ainsi dire à vol d’oiseau ! sans tenir compte des difficultés sans nombre qui se dressent sur leur passage, aucun obstacle n’est assez grand pour entraver leur course.

Cette qualité, qu’eux seuls possèdent, les rend surtout redoutables aux Hispano-Américains, qui ne peuvent atteindre cette facilité de locomotion, et qui, en temps de guerre, les trouvent toujours devant eux au moment où ils s’y attendent le moins, et cela, presque toujours à des distances considérables des endroits ou logiquement ils devraient être.

Curumilla, après avoir étudié avec soin les empreintes laissées par les ravisseurs, devina du premier coup la route qu’ils avaient prise et le lieu où ils se rendaient.