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Les Espagnols avaient tous quitté la plaine ; les Indiens pour la plupart avaient suivi leur exemple, il ne restait plus que quelques Araucans retardataires, mais qui faisaient, eux aussi, leurs préparatifs de départ.

Cependant, vers le soir, Louis se trouva beaucoup mieux, il put en quelques mots raconter au chef indien ce qui s’était passé, mais il ne lui apprit rien de nouveau, celui-ci avait tout deviné.

— Oh ! fit en terminant le jeune homme, Rosario, pauvre Rosario ! elle est perdue !

— Que mon frère ne se laisse pas abattre par la douleur, répondit doucement Trangoil Lanec, Curumilla suit la piste des ravisseurs, la jeune vierge pâle sera sauvée !

— Est-ce sérieusement que vous me dites cela, chef ? Curumilla est-il réellement à leur poursuite ? demanda le jeune homme en fixant ses yeux, ardents sur l’Indien, pourrais-je en effet espérer ?

— Trangoil Lanec est un Ulmen, répondit noblement l’Araucan, jamais le mensonge n’a souillé ses lèvres, sa langue n’est point fourchue ; je lui répète que Curumilla suit les ravisseurs. Que mon frère espère, il reverra le petit oiseau qui chante de si douces chansons dans son cœur.

Une rougeur subite colora le visage du jeune homme à ces paroles ; un sourire triste plissa ses lèvres pâles ; il serra doucement la main du chef et se laissa retomber sur son hamac en fermant les yeux.

Tout à coup le galop furieux d’un cheval se fit entendre au dehors.

— Bon ! murmura Trangoil Lanec en considérant le blessé, dont la respiration régulière montrait qu’il dormait paisiblement, que va dire don Valentin ?

Il sortit à grands pas et se trouva en face de Valentin.

Le Parisien avait les traits bouleversés par l’inquiétude.

— Chef, s’écria-t-il d’une voix haletante, ce que disent les peones serait-il vrai ?

— Oui, répondit froidement le chef.

Le jeune homme tomba comme foudroyé.

L’Indien l’assit doucement sur un ballot, et se plaçant auprès de lui, il saisit sa main en lui disant doucement :

— Mon frère a beaucoup de courage.

— Hélas ! s’exclama le jeune homme avec douleur, Louis, mon pauvre Louis, mort, assassiné ! Oh ! ajouta-t-il avec un geste terrible, je le vengerai ! C’est seulement pour accomplir ce devoir sacré que je consens à vivre encore quelques jours.

Le chef le regarda un instant avec attention,

— Que dit donc là mon frère ? reprit-il, son ami n’est pas mort.

— Oh ! pourquoi chercher à me tromper, chef ?

— Je dis la vérité, don Luis n’est pas mort, reprit l’Ulmen d’une voix imposante qui fit entrer la conviction dans le cœur brisé du jeune homme.

— Oh ! fit-il avec emportement en se levant d’un bond, il vit, il serait possible !

— Il a reçu deux blessures.