chacra en lui recommandant de n’en prendre connaissance qu’au dernier moment.
Le jeune homme était loin de s’attendre au contenu de cette étrange missive.
Après l’avoir lue avec le plus grand soin, il l’avait communiquée à son ami, en lai disant :
— Tiens, lis cela, Louis ; hum ! qui sait, peut-être cette lettre singulière contient-elle notre fortune ?
Comme tous les amoureux, Louis était fort sceptique pour les choses qui ne se rapportaient pas à son amour ; il avait rendu le papier en hochant la tête.
— La politique brûle les doigts, avait-il dit.
— Oui, ceux des maladroits, répondit Valentin en haussant les épaules ; m’est avis que, dans le pays où nous sommes, le plus grand élément de fortune que nous ayons est surtout cette politique, que tu sembles si fort dédaigner.
— Je t’avouerai, mon ami, que je me soucie fort peu de ces Cœurs Sombres que je ne connais pas, et auxquels on nous fait l’honneur de nous affilier.
— Je ne partage pas ton opinion, je les crois des hommes résolus et intelligents, je suis persuadé qu’un jour ou l’autre ils auront le dessus.
— Grand bien leur fasse ; mais que nous importe, à nous autres Français ?
— Plus que tu ne penses, et j’ai la ferme intention, aussitôt après mon entrevue avec cet Antinahuel, de me rendre directement à Valdivia, afin d’assister au rendez-vous qu’ils nous assignent.
— À la bonne heure, dit nonchalamment le comte, puisque c’est ton avis, allons-y donc, seulement je t’avertis que nous jouons notre tête, si nous la perdons ce sera bien fait, d’avance je m’en lave les mains.
— Je serai prudent, Caramba ! ma tête est la seule chose qui soit bien à moi, répondit Valentin en riant, je ne la risquerai qu’à bon escient, sois tranquille ; et puis n’es-tu pas curieux autant que moi de voir comment ces gens-là entendent la politique, et de quelle façon ils s’y prennent pour conspirer ?
— Au fait, cela peut devenir intéressant, nous voyageons un peu pour nous instruire, instruisons-nous donc puisque l’occasion s’en présente.
— Bravo ! voilà comme j’aime t’entendre parler. Allons trouver le redoutable chef pour lequel on nous a remis une lettre.
Trangoil Lanec et Curumilla étaient des hommes trop prudents pour se risquer à faire connaître à Antinahuel l’amitié qui les liait aux deux Français ; sans soupçonner les raisons qui obligeaient leurs amis à se présenter au toqui, ils prévoyaient qu’un jour viendrait peut-être où il serait avantageux que leurs relations fussent ignorées ; aussi, arrivés à peu de distance de la tolderia, les guerriers indiens étaient restés cachés dans un pli de terrain ; ils avaient gardé César avec eux et avaient laissé les deux Français continuer leur route, et se hasarder dans le village des Serpents Noirs, avec lesquels, du reste, depuis quelque temps, ils n’entretenaient pas de très bons rapports.
La réception faite aux Français fut des plus amicales.
Les Araucans, en temps de paix, sont excessivement hospitaliers.
Dès qu’on aperçut les étrangers, on s’empressa autour d’eux ; tous les