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tranquillement établi avec toute sa couvée de louveteaux, trois grands drôles à mine patibulaire, qui m’ont ri au nez quand je leur ai signifié que la forêt m’appartenait, et qui m’ont répondu, en me couchant en joue, qu’ils étaient Nord-Américains, qu’ils se souciaient de moi comme d’un coyote, que la terre était au premier occupant, et que je leur ferais un sensible plaisir en déguerpissant au plus vite. Ma foi, que vous dirai-je de plus, mon père ? je tiens de vous, j’ai le sang chaud, je hais cordialement cette race de pirates yankees qui, depuis quelques années, se sont abattus dans notre beau pays comme une nuée de moustiques. Je voyais notre forêt mise au pillage, nos plus beaux arbres abattus ; je ne pus rester impassible devant l’insolence de ces drôles, et la querelle devint si vive qu’ils tirèrent sur moi.

Virgen santissima ! s’écria don Miguel avec colère ; ils payeront cher, je te le jure, l’affront qu’ils t’ont fait ; j’en tirerai une vengeance exemplaire.

— Pourquoi vous emporter ainsi, mon père ? répondit le jeune homme visiblement contrarié de l’effet que son récit avait produit, le dégât que ces gens nous causent n’est en réalité que peu sensible pour nous ; j’ai eu tort de me laisser aller à la colère.

— Tu as eu raison, au contraire ; je ne veux pas que ces voleurs du Nord viennent exercer ici leurs rapines ; je saurai y mettre ordre.

— Je vous assure que, si vous consentez à me laisser faire, je suis certain d’arranger cette affaire à votre entière satisfaction.

— Je te défends de tenter la moindre démarche, ceci me regarde à présent ; quoi qu’il arrive, je ne veux pas que tu t’en mêles ; me le promets-tu ?