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doutable associé leur apparaissait dans toute sa désespérante gravité ; ils ne se dissimulaient pas que le squatter leur demanderait un compte sévère de leur conduite, et, malgré leur astuce et leur fourberie, ils ne savaient pas comment ils s’en tireraient. Le galop saccadé de ce cheval qui s’approchait augmentait leur perplexité ; ils n’osaient se communiquer l’inquiétude qui les dévorait, mais ils restaient la tête penchée en avant, l’oreille tendue, prévoyant que bientôt il leur faudrait soutenir un assaut des plus rudes.

Le cheval s’était arrêté court devant le rancho. Un homme mit pied à terre, et la porte fut ébranlée par de formidables coups de poing.

— Hum ! murmura le gambusino en éteignant d’un geste l’unique chandelle qui éclairait tant bien que mal le rancho, qui diable peut venir à cette heure avancée de la nuit ? Si je n’ouvrais pas !

Chose étrange, Fray Ambrosio avait en apparence repris toute sa sécurité ; le visage souriant, le front calme, le dos appuyé au mur et les bras croisés nonchalamment, il semblait complétement étranger à ce qui tourmentait si fort son compagnon.

À l’interpellation de Garote, un sourire ironique plissa pour une seconde ses lèvres pâles, et il répondit avec la plus parfaite indifférence :

— Vous êtes libre d’agir comme bon vous semblera, compadre ; pourtant je crois devoir vous avertir d’une chose.

— De laquelle ?

— C’est que si vous n’ouvrez pas votre porte, l’homme, quel qu’il soit, qui frappe en ce moment, est fort capable de la défoncer, ce qui serait désastreux pour vous.