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— Mon frère a raison : trois chefs seulement pénétreront dans l’intérieur, leurs jeunes hommes les attendront ici.

— Que mon frère soit patient, je vais en toute hâte m’acquitter de son message.

— Bien, mon frère est un chef, Tocatl (l’Araignée) l’attendra.

L’officier disparut dans l’intérieur, tandis que l’Araignée, puisque tel était le nom du guerrier, plantait le bout de sa longue lance en terre et demeurait l’œil fixé sur la porte du palais, sans donner aucune marque d’impatience.

Le nouveau gouverneur de Santa Fé était un général nommé don Benito Ventura.

Il était ignorant comme un poisson, bête et orgueilleux comme un coq de bruyère ; il avait, ainsi que la plupart de ses collègues dans ce pays excentrique, gagné ses épaulettes de général à force de pronunciamientos, s’arrangeant de façon à monter d’un grade à chaque révolution, sans cependant avoir jamais vu d’autre feu que celui du mince pajillo de maës qu’il avait continuellement à la bouche. Du reste, il était fort riche, partant excessivement poltron et redoutant les coups plus que tout au monde.

Voilà pour le moral.

Quant au physique, c’était un gros petit homme, rond comme une futaille, ventru ou pansu outre mesure, qui avait une face rubiconde éclairée par deux tout petits yeux gris percés comme avec une vrille.

Ce digne officier suait sang et eau lorsque les devoirs de sa charge l’obligeaient à se sangler dans son uniforme chargé sur toutes les coutures d’une profusion de dorures qui le faisaient ressembler à une châsse ;