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— Vous avez agi comme un fou en réveillant la haine endormie d’un tigre. Le Cèdre-Rouge s’acharnera à votre perte ; je connais de longue date ce misérable : mais ce que vous avez fait de pis, ce n’est pas encore cela.

— Qu’est-ce donc ?

— Comment, fou que vous êtes, au lieu de vous tenir coi, de surveiller vos ennemis sans rien dire, de voir dans leur jeu enfin, par une bravade impardonnable vous démasquez toutes vos batteries !

— Je ne vous comprends pas, mon ami.

— Fray Ambrosio est un coquin d’une autre espèce que le Cèdre-Rouge, c’est vrai ; mais je le crois encore plus scélérat que le chasseur de chevelures : au moins celui-là est-il franchement coquin, on sait à quoi s’en tenir de suite avec lui ; tout dans sa personne porte l’empreinte de son âme hideuse. Que vous ayez fait blanc de votre épée avec cette bête fauve qui pue le sang par tous les pores et ne respire que le meurtre, à la rigueur je vous le pardonnerais ; mais vous avez complétement manqué non-seulement de prudence, mais encore de bon sens en agissant comme vous l’avez fait avec Fray Ambrosio. Cet homme est un hypocrite, il doit tout à votre famille, il est furieux de voir sa trahison découverte. Prenez garde, don Pablo, vous vous êtes fait, par un coup de tête, deux ennemis implacables, d’autant plus terribles maintenant qu’ils n’ont plus rien à ménager.

— C’est vrai, dit le jeune homme, j’ai agi comme un fou ! Mais que voulez-vous, à la vue de ces deux hommes, lorsque j’ai appris de leur bouche même les crimes qu’ils ont commis et ceux qu’ils méditent encore contre nous, je n’ai plus été maître de moi, je