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tout à coup au moment décisif déranger tous vos plans ?

— Nous jouons en ce moment le jeu du diable, mon ami, répondit froidement Valentin ; nous avons pour nous le hasard, c’est-à-dire la force la plus grande qui existe, celle qui gouverne le monde.

Le jeune homme baissa la tête d’un air peu convaincu.

Le chasseur le considéra un instant avec un mélange d’intérêt et de douce pitié, puis il reprit d’une voix insinuante :

— Écoutez, don Pablo de Zarate, dit-il, je vous ai dit que je sauverai votre père, je le sauverai ; seulement je veux qu’il sorte de la prison dans laquelle il se trouve en ce moment, comme un homme de son caractère doit en sortir, en plein soleil, à la face de tous, aux applaudissements de la foule, et non pas en s’échappant furtivement pendant la nuit, au milieu des ténèbres, comme un vil criminel. Pardieu, croyez-vous qu’il m’aurait été difficile de m’introduire dans la ville et de faire échapper votre père, en sciant un barreau de sa prison ou en corrompant le geôlier ? Je ne l’ai pas voulu ; don Miguel n’aurait pas accepté cette fuite lâche et honteuse : noblesse oblige, mon ami. Votre père sortira de prison, mais prié par le gouverneur lui-même et toutes les autorités de Santa-Fé de sortir. Ainsi reprenez courage, et ne doutez plus d’un homme dont l’amitié et l’expérience doivent, au contraire, vous rassurer.

Le jeune homme avait écouté ces paroles avec un intérêt toujours croissant. Lorsque Valentin s’arrêta, il lui prit la main.

— Pardonnez-moi, mon ami, lui répondit-il. Je sais combien vous êtes dévoué à ma famille ; mais je souffre, la douleur rend injuste, pardonnez-moi !