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— Lâchez la bride ! lâchez la bride ! disait le chasseur ; encore ! encore ! Nous n’allons pas.

Tout à coup un hennissement sonore traversa l’espace, et, porté sur l’aile du vent, arriva jusqu’aux fugitifs.

— Nous sommes perdus ! murmura Valentin, ils nous ont dépistés.

C’était en effet ce qui était arrivé.

Le Cèdre-Rouge était un trop vieux routier de la prairie pour être longtemps mis en défaut ; il avait reconnu son erreur et revenait bien certain cette fois de tenir la piste.

Alors commença une de ces courses fabuleuses comme les habitants seuls des prairies peuvent en voir, courses qui enivrent et donnent ce vertige que nul obstacle n’est assez fort pour arrêter ou ralentir, car le but, c’est la réussite ou la mort.

Les chevaux à demi sauvages des bandits, semblant s’identifier avec les passions des maîtres féroces qui les montaient, glissaient dans la nuit avec la rapidité du coursier fantôme de la ballade allemande, franchissaient les précipices et volaient avec une vitesse qui tenait du prodige.

Parfois un cavalier roulait avec son cheval du haut d’un rocher et tombait dans un abîme en poussant un cri de détresse, et ses compagnons passaient sur son corps, emportés comme par un tourbillon, répondant par un hourra de colère à ce cri d’agonie, dernier et lugubre appel d’un frère.

Cette poursuite durait depuis deux heures déjà, sans que les fugitifs eussent perdu un pouce de terrain ; leurs chevaux, blancs d’écume, poussaient de sourds râlements de fatigue et d’épuisement en soufflant par leurs nazeaux une fumée épaisse.