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ments rauques des bêtes fauves sorties de leurs repaires pour venir se désaltérer dans les eaux du fleuve.

Puis, peu à peu, les cris, les chants et les hurlements cessèrent, et l’on n’entendit plus que les pas pressés des chevaux des chasseurs sur les cailloux de la route.

Un silence solennel semblait peser sur cette nature abrupte et primitive ; par intervalles, les cimes vertes des arbres et des hautes herbes s’inclinaient lentement avec un bruissement prolongé de feuilles et de branches, comme si un souffle mystérieux pesait sur elles et les obligeait à se courber.

Il y avait quelque chose de saisissant et de terrible à la fois dans l’aspect imposant que présentait la prairie à cette heure de nuit, sous ce ciel éblouissant d’étoiles brillantes qui scintillaient comme des émeraudes, en face de cette immensité sublime qui ne laissait entendre qu’une voix, celle de Dieu !

L’homme jeune et enthousiaste auquel il est donné d’assister à un pareil spectacle sent un frisson parcourir tout son corps ; il éprouve un sentiment de bien-être indéfinissable et d’une volupté inouïe à plonger son regard de tous les côtés dans ce désert, dont les profondeurs inexplorées lui cachent tant de secrets inexpicables et lui montrent dans toute sa grandeur et son omnipotence la majesté divine.

Bien des fois, pendant nos courses aventureuses sur le continent américain, marchant au hasard pendant ces belles nuits si pleines de charmes que rien ne peut faire comprendre à ceux qui ne les ont pas ressenties, nous nous sommes laissé aller aux douces sensations que nous éprouvions ; nous isolant et nous absor-