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Il lâchait une bouffée de fumée bleuâtre et reprenait sa première position.

Plusieurs heures s’écoulèrent ainsi. Tout à coup un froissement assez fort se fit entendre dans les broussailles, à quelque distance derrière l’inconnu.

— Ah ! ah ! fit-il, je crois que voilà enfin mon homme.

Cependant le bruit devenait de plus en plus fort et se rapprochait rapidement.

— Arrivez donc ! que diable, s’écria le cavalier en se redressant, voilà assez longtemps que vous me faites attendre, par Notre-Dame del Pilar !

Rien n’apparaissait, la clairière était toujours solitaire, bien que le bruit eût acquis une certaine intensité.

L’inconnu, surpris du mutisme obstiné de celui auquel il s’adressait et surtout de sa persistance à ne pas se montrer, se leva afin de savoir à quoi s’en tenir.

En ce moment son cheval pointa les oreilles, renâcla avec force et fit un brusque mouvement pour se dégager du lasso qui le retenait.

Notre homme s’élança vivement vers lui et le flatta de la main et de la voix.

Le cheval tremblait de tous ses membres, et faisait des bonds prodigieux pour s’échapper. L’inconnu, de plus en plus surpris de ces mouvements extraordinaires, se retourna.

Tout lui fut alors expliqué.

À vingt pas de lui au plus, accroupi sur la maîtresse branche d’un énorme cyprès, un magnifique jaguar à la robe splendidement mouchetée fixait sur lui deux yeux ardents en passant sur ses mâchoires avec une volupté féline sa langue rugueuse, rouge comme du sang.