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s’avançait rapidement sans jeter un regard autour de lui, bien que le paysage qui se déroulait à ses côtés fût un des plus majestueux et des plus attrayants de ces régions.

Le fleuve formait les plus capricieux méandres au milieu d’un terrain accidenté de mille façons bizarres.

Çà et là, sur des plages de sable et de gravier, on voyait étendus avec leurs branches, des arbres énormes que le courant plus faible avait laissés épars et qui, séchés par le soleil, montraient par leur couleur lavée qu’ils étaient morts depuis plusieurs siècles.

Auprès des endroits bas et marécageux, erraient lourdement des caïmans et des crocodiles.

Dans d’autres endroits où le fleuve coulait presque uniformément, ses rives étaient unies et couvertes de gros arbres butés ou serrés par des lianes qui, après s’y être entortillées, retombaient jusqu’à terre où elles plongeaient pour s’élancer de nouveau dans l’espace, en formant les plus extravagantes paraboles.

Les bois fourrés laissaient entrevoir de temps en temps de petites prairies, des marécages, ou un sol uni couvert d’ombrages inaccessibles aux rayons du soleil et parfois embarrassés d’arbres morts de vieillesse ; plus loin, d’autres, qui semblaient jeunes encore à cause de la couleur et de la solidité de leur écorce, se réduisaient en poussière au moindre souffle du vent.

Sur des rives élevées à pic, où la rapidité de l’eau indiquait l’inégalité du sol, des terres éboulées laissaient voir d’énormes racines sans appui et annonçaient la chute des colosses déjà inclinés qu’elles ne soutenaient plus que par artifice.

Parfois le terrain tout à fait miné en dessous, réduit à son propre poids, entraînait avec lui le bois qu’il