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— Bah ! fit insoucieusement Tomaso ; faisons bien les choses, battons-nous à toute la lame.

— À toute la lame, soit !

Les combats que se livrent entre eux les aventuriers sont de véritables combats de bêtes fauves ; ces hommes grossiers, aux instincts cruels, aiment se battre par-dessus tout, l’odeur du sang les grise.

L’annonce de cette lutte fit courir un frisson de plaisir dans les rangs des leperos et des bandits qui se pressaient autour des deux hommes ; la fête était complète : un des deux adversaires succomberait sans doute, peut-être tous les deux, le sang coulerait à flots ; ce n’étaient que des cris et des trépignements d’enthousiasme parmi les spectateurs.

Le duel au couteau est le seul qui existe au Mexique ; il est seulement réservé aux leperos et généralement aux gens de la plus basse classe.

Ce duel a ses règles, dont il est défendu de s’écarter.

Les couteaux dont on se sert ont ordinairement des lames longues de quatorze à seize pouces ; on se bat, suivant la gravité de l’insulte, à un, deux, trois, six pouces ou toute la lame.

Les pouces sont mesurés avec soin, et la main saisit le couteau à l’endroit marqué.

Cette fois c’était un duel à toute la lame, le duel le plus terrible.

Avec un sang-froid et une politesse inouïs, le chef de l’établissement fit former au centre de la salle un grand cercle où les deux adversaires se placèrent face à face, à six pas l’un de l’autre, à peu près.

Un silence de plomb pesait sur cette salle, un instant auparavant si pleine de vie et de tapage ; chacun