Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un jour, un gambusino ou chercheur d’or, qui depuis plus de deux ans avait disparu du pays sans que personne sût ce qu’il était devenu, et que l’on croyait mort depuis longtemps, assassiné dans le désert par les Indiens, reparut subitement au Paso del Norte.

Cet homme, nommé Joaquin, était le frère d’Andrès Garote, aventurier de la pire espèce, qui avait au moins une douzaine de cuchilladas (coups de couteau) sur la conscience, que tout le monde redoutait, mais qui, par la terreur qu’il inspirait, jouissait au Paso, malgré ses crimes bien avérés, d’une espèce d’impunité dont il abusait du reste sans scrupule chaque fois que l’occasion s’en présentait.

Les deux frères commencèrent à hanter de compagnie les mesons et les ventas du village, buvant du matin au soir, et payant soit avec de la poudre d’or contenue dans de forts tuyaux de plume, soit avec des parcelles d’or natif.

Bientôt le bruit se répandit au Paso que Joaquin avait découvert un riche placer, et que les dépenses qu’il faisait étaient payées avec les échantillons qu’il avait rapportés.

Le gambusino ne répondait ni oui ni non aux diverses insinuations que ses amis, ou plutôt ses compagnons de bouteille, tentaient auprès de lui ; il clignait les yeux, souriait mystérieusement, et si on lui faisait observer que, du train dont il allait, il serait bientôt ruiné, il haussait les épaules en disant :

— Quand je n’en aurai plus, je sais où en prendre d’autre ; et il continuait de plus belle à se donner tous les plaisirs que peut fournir une misérable bourgade comme le Paso.