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table d’un soleil tropical avait, pendant une grande partie de la journée, tenus prisonniers dans l’intérieur des maisons, sortirent pour respirer les âcres parfums de la brise du désert, et faire rentrer dans leurs poumons altérés un peu d’air frais.

La poblacion, qui pendant plusieurs heures avait semblé déserte, se réveilla tout à coup ; les cris et les rires se firent de nouveau entendre ; les promenades furent envahies par la foule, et en quelques minutes les mesons se peuplèrent d’oisifs, qui commencèrent à boire du mezcal et du pulque en fumant leur papelito et en raclant le jarabe et la vihuela.

Dans une maison de peu d’apparence, bâtie comme toutes ses compagnes en adobes, recrépie et située à l’angle de la plaza Mayor et de la calle de la Merced, vingt ou vingt-cinq individus, qu’à la plume de leur chapeau, à leur moustache fièrement relevée en croc, et surtout à la longue épée à garde de fer bruni qu’ils portaient sur la hanche, il était facile de reconnaître pour des chercheurs d’aventures, buvaient des torrents d’aguardiente et de pulque en jouant aux cartes, tout en criant comme des sourds et se disputant à qui mieux mieux, en jurant comme des païens et en menaçant à chaque seconde de dégainer leur rapière.

Dans un coin de la salle occupée par ces compagnons incommodes, deux hommes, assis en face l’un de l’autre à une table, semblaient plongés dans de profondes réflexions et laissaient errer autour d’eux des regards distraits, sans songer à boire le contenu de leurs gobelets qui, depuis plus d’une demi-heure, n’avaient pas été vidés.

Ces deux hommes formaient entre eux le plus complet contraste.