Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intime, la nature se met à l’unisson de la scène qui va se passer ici ; c’est le cadre du tableau ; l’orage du ciel n’est pas encore aussi terrible que celui qui gronde dans mon cœur ! Allez ! allez ! il me manquait cette mélodie terrible. Je suis le vengeur, moi, et je vais accomplir l’œuvre du démon que je me suis imposée dans une nuit de délire.

Après avoir prononcé ces paroles sinistres, il reprit sa marche, se dirigeant vers un monceau de pierres à demi calcinées, dont les pointes noirâtres perçaient les hautes herbes à peu de distance.

Le sommet de la colline où se trouvait le Blood’s Son présentait un aspect d’une sauvagerie inexprimable.

À travers les touffes d’une herbe haute et épaisse, on apercevait des ruines noircies par le feu, des pans de murs, des voûtes à demi écroulées ; puis çà et là des arbres fruitiers, des plants de dahlias, des cèdres et une noria ou citerne dont la longue gaule portait encore à son extrémité les restes du seau de cuir qui servait jadis à puiser l’eau.

Au milieu des ruines s’élevait une haute croix de bois noir qui marquait l’emplacement d’une tombe ; au pied de cette croix étaient empilés avec une symétrie lugubre une vingtaine de crânes grimaçants auxquels l’eau du ciel, le vent et le soleil avaient donné le poli et la teinte jaunâtre de l’ivoire. Aux environs de la tombe, des serpents et des lézards, ces hôtes des sépulcres, glissaient silencieusement parmi les herbes, regardant avec leurs yeux ronds et effarés l’étranger qui osait venir troubler leur solitude.

Non loin de la tombe, une espèce de hangar en roseaux entrelacés achevait de se disjoindre, mais offrait encore dans l’état de délabrement où il se trou-