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La Gazelle-Blanche s’était sentie rappelée à la vie par les mouvements brusques et saccadés que le cheval imprimait à son corps.

Ses longs cheveux traînaient dans la poussière, ses yeux levés au ciel étaient baignés de larmes de désespoir, de douleur et d’impuissance.

Au risque de se briser la tête sur les pierres du chemin, elle faisait d’inutiles efforts pour échapper aux bras de son ravisseur.

Mais celui-ci, fixant sur elle un regard dont l’expression décelait la joie féroce, ne paraissait pas s’apercevoir de l’épouvante qu’il causait à la jeune fille, ou plutôt il semblait y puiser la force d’une volupté indicible.

Ses lèvres contractées demeuraient muettes et laissaient passer de temps à autre un sifflement aigu destiné à redoubler l’ardeur de son cheval, qui, exaspéré par la pression de son cavalier, ne tenait plus pour ainsi dire à la terre et dévorait l’espace comme le courrier fantastique de la ballade allemande de Burger.

La jeune fille poussa un cri.

Mais ce cri alla se perdre en mornes échos, emporté dans le tourbillon de cette course insensée.

Et le cheval galopait toujours.

Soudain la Gazelle-Blanche réunissant toutes ses forces, s’élança en avant avec une telle vivacité que déjà ses pieds allaient toucher la terre ; mais le Blood’s Son se tenait sur ses gardes, et avant même qu’elle eût repris son équilibre, il se baissa sans arrêter son cheval, et saisissant la jeune fille par les longues tresses de sa chevelure, il l’enleva et la replaça devant lui.

Un sanglot déchira la poitrine de la Gazelle, qui s’évanouit de nouveau.