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— Vous me permettrez alors, niña, de vous tenir compagnie jusque-là.

— Je ne puis ni ne veux vous empêcher de me suivre ; la route est libre, caballero, répondit–elle sèchement.

Ils se turent comme d’un commun accord ; chacun d’eux conversait avec soi-même et s’absorbait dans ses pensées.

Parfois la Gazelle blanche jetait à son compagnon un de ces clairs regards de femme qui lisent jusqu’au fond du cœur ; un sourire effleurait ses lèvres mignonnes, et elle secouait la tête d’un air mutin. De singulières pensées fermentaient sans doute dans ce frais cerveau de dix-sept ans.

Vers deux heures de la tarde, ainsi que l’on dit dans les pays espagnols, ils arrivèrent, toujours trottant de conserve, au gué d’une petite rivière de l’autre côté de laquelle, adossé à une montagne, on apercevait à deux lieues à peine les huttes du camp du Blood’s Son. La Gazelle blanche s’arrêta, et, au moment où son compagnon allait faire entrer son cheval dans le lit de la rivière, elle posa sa main délicate sur la bride et l’arrêta en lui disant d’une voix douce mais ferme :

— Avant que d’aller plus loin, un mot s’il vous plaît, caballero.

Don Pablo la regarda avec étonnement, mais il ne fit pas un mouvement pour se débarrasser de cette étreinte amicale.

— Je vous écoute, señorita, répondit-il en s’inclinant.

— Je sais pourquoi vous venez au campement du Blood’s Son, reprit-elle.

— J’en doute, fit-il en secouant la tête.