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amenant les deux chevaux, il trouva Valentin, qui avait allumé un grand feu, en train d’écorcher consciencieusement l’ours, dont, ainsi qu’il l’avait dit, les pattes cuisaient doucement sous la cendre.

Don Pablo donna la prébende aux chevaux, puis vint s’asseoir devant le feu auprès de Valentin.

— Eh bien, dit celui-ci en riant, croyez-vous que nous ne sommes pas bien ici pour causer ?

— Ma foi, oui, répondit négligemment le jeune homme en tordant entre ses doigts une fine cigarette de maïs avec une dextérité qui semble être particulière à la race espagnole, nous sommes fort bien ; j’attends donc que vous vous expliquiez, mon ami.

— C’est ce que je vais faire, dit le chasseur qui avait fini d’écorcher l’ours et repassait tranquillement son couteau dans sa botte, après toutefois en avoir essuyé la lame avec soin. Depuis combien de temps avez-vous découvert la retraite du Cèdre-Rouge ?

À cette question, à laquelle il était si loin de s’attendre, faite ainsi à brûle-pourpoint, sans préparation aucune, le jeune homme tressaillit ; une rougeur fébrile envahit son visage, il perdit contenance et ne sut que répondre.

— Mais… balbutia-t-il.

— Depuis un mois à peu près, n’est-ce pas ? continua Valentin sans paraître s’apercevoir du trouble de son ami.

— Oui, environ, fit l’autre sans savoir ce qu’il disait.

— Et depuis un mois, reprit imperturbablement Valentin, toutes les nuits vous vous levez d’auprès de votre père pour aller parler d’amour à la fille de celui qui a tué votre sœur ?

— Mon ami ! fit péniblement le jeune homme.