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Un homme, si brave qu’il soit, si habitué qu’il puisse être à la vie aventureuse du désert, frémit et se sent bien faible lorsqu’il jette autour de lui un regard interrogateur et qu’il se voit si petit au milieu de l’immensité qui l’environne.

Au désert, si l’on veut aller au nord, il faut marcher vers le sud, faire attention de ne pas froisser les feuilles sur lesquelles on marche, de ne pas casser les branches qui barrent le passage, et surtout de ne pas faire crier sous ses pieds les sables ou les cailloux du chemin.

Tous les bruits du désert sont connus, expliqués, commentés par les Peaux-Rouges ; en prêtant l’oreille quelques secondes, ils vous disent si l’animal dont le pas résonne sourdement au loin est un cheval, un ours, un bison, un élan ou une antilope.

Un caillou roulant sur la pente d’un ravin suffit pour dénoncer un rôdeur.

Quelques gouttes d’eau répandues sur les bords d’un gué révèlent clairement le passage de plusieurs voyageurs.

Un mouvement insolite dans les hautes herbes dénonce un espion aux aguets.

Tout enfin, depuis le brin d’herbe flétri jusqu’au bison qui dresse subitement l’oreille en broutant, et l’asshalte qui bondit, effaré sans cause apparente, tout dans le désert sert de livre à l’Indien pour lire le passage d’un ami ou d’un ennemi et le mettre sur ses traces, quand même le premier serait éloigné du second de cent lieues.

Les hommes qui vivent dans ces contrées, où la vie matérielle est tout, acquièrent une perfection de certains organes qui semble incroyable : la vue et