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XXVI.

Où Nathan se dessine.

Aussitôt qu’il eut disparu au regard de ses compagnons, Nathan s’arrêta.

Il n’était ni aussi insoucieux ni aussi rassuré qu’il avait voulu le paraître.

Dès qu’il fut seul, loin des regards de ceux qui auraient pu le railler, il se laissa sans contrainte aller à sa mauvaise humeur, et maudit le hasard qui le plaçait dans une position aussi précaire et aussi dangereuse.

Nathan, nous croyons l’avoir dit déjà ailleurs, était une espèce de géant taillé en hercule, doué d’une énergie et d’une férocité peu communes. Habitué depuis sa première enfance à la vie du désert et à ses sanglantes tragédies, il n’était pas homme à se désespérer et à se décourager facilement ; sans pitié pour lui-même comme pour les autres, il acceptait parfaitement les conséquences de la situation dans laquelle il se trouvait souvent, et, le cas échéant, il était résolu à lutter jusqu’au dernier soupir pour défendre sa chevelure.

Mais, en ce moment, ce n’était pas sa position en elle-même qui l’inquiétait. Cent fois, en parcourant les prairies, il s’était vu entouré d’autant de dangers ; mais jusqu’alors, s’il avait risqué sa vie, toujours il l’avait fait dans un but qu’il connaissait parfaitement, avec la perspective, soit prochaine, soit éloignée, d’un bénéfice quelconque ; et cette fois, il se considérait comme obéissant à une volonté qu’il ignorait, dans