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— Je ne suis guère enclin à la plaisanterie de ma nature, répondit froidement le squatter ; à présent moins que jamais. Nous ne volerons pas comme les oiseaux puisque nous sommes dépourvus d’ailes, mais, malgré cela, c’est dans l’air que nous nous tracerons une route ; voici comment. Regardez autour de vous : à droite et à gauche, sur les flancs de la montagne, s’étendent d’immenses forêts vierges ; nos ennemis sont cachés là. Ils viennent doucement, courbés vers la terre, relevant avec soin les moindres indices de notre passage qu’ils peuvent découvrir.

— Eh bien ? fit le moine.

— Pendant qu’ils cherchent notre piste sur le sol, nous leur glisserons entre les mains comme des serpents, en passant d’arbre en arbre, de branche en branche, à trente mètres au-dessus de leur tête, sans qu’ils songent à lever les yeux en l’air, ce qui, du reste, s’ils le faisaient, serait complètement inutile : le feuillage des arbres est trop touffu, les lianes trop épaisses pour qu’ils puissent nous découvrir. Et puis, en résumé, cette chance de salut, quoique bien faible, est la seule qui nous reste. Voyez si vous vous sentez le courage de l’essayer.

Il y eut un instant de silence. Enfin le moine saisit la main du squatter, et la lui secouant avec force :

— Canario ! compadre, lui dit-il avec une sorte de respect, vous êtes un grand homme ! Pardonnez-moi d’avoir douté de vous.

— Ainsi vous acceptez ?

— Caspita ! si j’accepte ! Avec acharnement, et je vous jure que jamais écureuil n’aura sauté comme je le ferai.