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prairie à qui toutes les ruses du désert sont connues.

D’après les quelques paroles prononcées par le père Séraphin et la hâte qu’il avait mise à venir les lui dire, le Cèdre-Rouge avait compris que cette fois il s’agissait d’une lutte suprême, sans trêve ni merci, où ses ennemis déploieraient toutes leurs connaissances et leur habileté, afin d’en finir une fois pour toutes avec lui.

Il avait eu le bonheur d’atteindre assez tôt les sierras de los Comanches pour faire disparaître ses traces.

Alors, pendant un mois avait eu lieu entre lui et Valentin un de ces assauts incroyables d’adresse et de ruse où chacun d’eux avait déployé tout ce que son esprit fertile en expédients avait pu lui fournir de fourberies pour tromper son adversaire et lui donner le change.

Comme cela arrive souvent en pareille circonstance, le Cèdre-Rouge, qui dans le principe n’avait accepté qu’avec répugnance la lutte dans laquelle on l’engageait malgré lui, avait peu à peu senti se réveiller en lui ses vieux instincts de coureur des bois ; l’orgueil s’était mis de la partie, sachant qu’il avait affaire à Valentin Guillois, c’est-à-dire au plus rude jouteur des prairies, et alors il s’était passionné pour cette lutte et avait déployé un génie dont lui-même était étonné, afin de prouver à son redoutable adversaire qu’il n’était pas indigne de lui.

Pendant tout un mois, les deux adversaires avaient manœuvré, sans s’en douter, dans un périmètre de moins de dix lieues, tournant incessamment autour l’un de l’autre, et souvent, n’étant séparés que par un rideau de feuillage ou par un ravin.