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— Pardieu ! s’écria-t-il gaiement, je savais bien que je finirais par trouver un moyen. Laissez-moi faire, je réponds de tout. Vous passerez comme dans une voiture, vous verrez.

Le général sourit.

— Brave cœur ! murmura-t-il.

— Attendez-moi, répondit Valentin ; dans quelques minutes je reviendrai ; le temps seulement de préparer ce qu’il faut.

Le chasseur saisit la corde et passa.

Dès que le général le vit de l’autre côté, il dénoua le lasso enroulé autour du rocher et le lança de l’autre côté.

— Que faites-vous ? Arrêtez ! s’écrièrent les chasseurs avec une stupeur mêlée d’épouvante.

Le général se pencha sur le précipice en se retenant de la main gauche à un rocher.

— Il ne fallait pas que le Cèdre-Rouge découvrît vos traces, répondit-il, voilà pourquoi j’ai dénoué le lasso ; adieu, frères ; adieu, bon courage, et que Dieu tout-puissant vous aide !

Une explosion se fit entendre, répercutée au loin par les échos des mornes, et le cadavre du général roula dans l’abîme en bondissant avec un bruit sourd sur la pointe aiguë des rocs.

Le général Ibañez s’était brûlé la cervelle[1].

Au dénoûment inattendu de cette scène étrange, les chasseurs demeurèrent anéantis.

Ils ne comprenaient pas que, dans la crainte de se tuer en passant un précipice, le général avait préféré se faire sauter la cervelle. Pourtant l’action du géné-

  1. Cet épisode, tout incroyable qu’il paraisse, est rigoureusement historique. (L’Auteur.)