abandonneront sans doute votre poursuite ; dans quelques jours vous pourrez revenir.
— Non, dit le squatter avec découragement, c’est ma mort qu’ils veulent. Puisque vous m’ordonnez de fuir, mon père, je vous obéirai ; mais, avant tout, accordez-moi une grâce.
— Parlez, mon fils.
— Moi, reprit le squatter avec une émotion mal contenue, je suis un homme ; je puis, sans succomber, supporter les plus excessives fatigues, braver les plus grands dangers, mais…
— Je vous comprends, interrompit vivement le missionnaire ; j’avais l’intention de garder votre fille avec moi. Soyez tranquille, elle ne manquera de rien.
— Oh ! merci, merci, mon père ! s’écria-t-il avec un accent dont on aurait cru un tel homme incapable.
Ellen avait jusqu’alors assisté silencieuse à l’entretien ; elle fit un pas en avant, et, se plaçant entre les deux hommes, elle dit avec une majesté suprême :
— Je vous suis, au fond du cœur, reconnaissante à tous deux de vos intentions pour moi ; mais je ne puis abandonner mon père, je le suivrai partout où il ira, pour le consoler et l’aider à souffrir en chrétien les tribulations que Dieu lui envoie.
Les deux hommes firent un mouvement pour l’interrompre.
— Arrêtez ! continua-t-elle avec chaleur ; j’ai pu jusqu’à ce jour souffrir de la conduite de mon père, elle était coupable ; aujourd’hui le repentir est entré dans son âme, je le plains et je l’aime : ma résolution est immuable.
Le père Séraphin la regarda avec admiration.