Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Cèdre-Rouge, arrivé à l’entrée d’une gorge étroite, à l’extrémité de laquelle, au milieu d’un chaos de rochers, s’ouvrait la grotte de l’ours, s’arrêta quelques instants pour reprendre haleine et faire ses derniers préparatifs.

D’abord il mit pied à terre, entrava son cheval auquel il donna sa provende de pois grimpants ; puis, après s’être assuré que son couteau jouait facilement dans sa gaine et que son rifle était en état, il s’enfonça dans le défilé.

Le squatter marchait le corps penché en avant, l’œil et l’oreille au guet, comme le chasseur en quête, lorsque tout à coup, à quelques pas à peine de l’entrée du défilé, une main se posa sur son épaule et un rire éclatant résonna à son oreille.

Il se retourna avec surprise, mais cette surprise se changea presque en épouvante à la vue de l’homme qui, debout devant lui, les bras croisés sur la poitrine, le regardait d’un air railleur.

— Fray Ambrosio ! s’écria-t-il en faisant un pas en arrière.

— Holà ! compadre ! dit celui-ci ; vous avez l’oreille dure, sur mon âme : voilà plus de dix fois que je vous appelle sans que vous daigniez me répondre. Satanas ! il a fallu vous toucher pour que vous vous aperçussiez qu’on avait affaire à vous.

— Que me voulez-vous ? demanda le squatter d’un accent glacé.

— Comment ! ce que je vous veux, compadre ? La question est étrange ; ne le savez-vous pas aussi bien que moi ?

— Je ne vous comprends pas, reprit le Cèdre-Rouge toujours impassible ; donc expliquez-vous, je vous prie.