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preuve à son égard, une espèce de révolution s’était opérée en lui ; un sentiment nouveau s’était révélé dans son cœur, et il s’était pris à aimer cette charmante créature de toutes les forces de son âme.

Cet homme brutal s’adoucissait subitement à la vue de la jeune fille, un éclair de plaisir éclairait ses yeux fauves, et sa bouche, habituée à maudire, s’entr’ouvrait avec joie pour prononcer de douces paroles.

Souvent, assis sur le versant de la montagne, à peu de distance de la grotte, il causait avec elle des heures entières, prenant un plaisir infini à entendre le son mélodieux de cette voix dont jusqu’alors il avait ignoré les charmes.

Ellen, renfonçant ses douleurs dans son âme, feignait un enjouement qui était loin de son esprit, afin de ne pas attrister celui qu’elle considérait comme son père et qui paraissait si heureux de la voir joyeuse à ses côtés.

Certes, si quelqu’un avait en ce moment un ascendant quelconque sur l’esprit du vieux pirate et pouvait le ramener au bien, c’était Ellen.

Elle le savait et usait avec finesse de ce pouvoir qu’elle avait conquis pour tâcher de ramener entièrement au bien cet homme qui, jusque-là, n’avait été pour l’humanité qu’une espèce de génie du mal.

Un matin, au moment où le Cèdre-Rouge, presque entièrement guéri de ses blessures, faisait, appuyé sur le bras d’Ellen, sa promenade accoutumée, le père Séraphin, qui depuis deux jours était absent de la grotte, se présenta devant lui.

— Ah ! vous voilà, mon père ! dit le squatter en l’apercevant ; j’étais inquiet de ne pas vous voir, je suis heureux de votre retour.