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par enchantement ; la perte de son sang, les secousses réitérées que lui imprimait son cheval l’avaient plongé dans une atonie complète. S’il n’avait pas été aussi solidement attaché sur la selle, vingt fois il aurait été désarçonné.

Il allait les bras pendants, le corps penché sur le cou de son cheval, les yeux à demi fermés, sans avoir même la conscience de ce qui lui arrivait et ne cherchant pas à le savoir.

Secoué à droite, secoué à gauche, il regardait d’un œil sans intelligence fuir de chaque côté les arbres et les rochers, ne pensant plus, ne vivant plus que dans un songe horrible, en proie aux hallucinations les plus étranges et les plus dévergondées.

La nuit succéda au jour.

Le cheval continuait sa course, bondissant, comme un jaguar effrayé, par-dessus les obstacles qui s’opposaient à son passage, suivi à la piste par une troupe de coyotes hurlants, et cherchant vainement à se débarrasser du poids inerte qui l’obsédait.

Enfin, le cheval trébucha dans l’ombre et tomba sur le sol avec son fardeau en poussant un hennissement plaintif.

Le Cèdre-Rouge avait jusqu’à ce moment conservé, nous ne dirons pas la connaissance complète et lucide de la position dans laquelle il se trouvait, mais au moins une certaine conscience de la vie qui résidait encore en lui.

Lorsque le cheval épuisé tomba, le bandit sentit une vive douleur à la tête, et ce fut tout ; il s’évanouit en bégayant un blasphème, dernière protestation du misérable qui, jusqu’au dernier moment, niait la puissance du Dieu qui le frappait.