Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oh ! si je le croyais ! murmura-t-il avec hésitation en jetant à la dérobée un regard sur la fenêtre toujours éclairée.

— Qui sait ? elle vous attend peut-être !

— Tais-toi, misérable !

— Dame, écoutez donc, si ce que l’on dit est vrai, la pauvre enfant doit être dans un grand embarras, pour ne pas dire mieux ; elle a probablement grand besoin de secours.

— Que dit-on ? voyons, parle, sois bref.

— Une chose bien simple : que doña Anita de Torrès épousera d’ici huit jours l’Anglais don Gaétano.

— Tu mens, drôle ! s’écria le Tigrero avec une colère mal contenue ; je ne sais ce qui me retient de te renfoncer dans la gorge avec mon poignard les odieuses paroles que tu viens de prononcer.

— Vous auriez tort, reprit l’autre sans se déconcerter ; je ne suis qu’un écho qui répète ce qu’il entend dire, rien de plus. Vous seul dans tout Guaymas ignorez cette nouvelle. Après tout, il n’y a rien d’étonnant à cela, puisque vous n’êtes de retour que de ce soir dans la ville, après une absence de plus d’un mois.

— C’est juste ; mais que faire ?

— Caraï ! suivre le conseil que je vous donne.

Le Tigrero jeta un long regard sur la fenêtre, et baissa la tête d’un air irrésolu.

— Que dira-t-elle en me voyant ? murmura-t-il.

— Caramba ! fit le lepero d’un ton de sarcasme, elle dira : Soyez le bien-venu, alma mia. C’est clair, caraï ! Don Martial, êtes-vous donc devenu un enfant timide qu’un regard de femme fasse trembler ? L’occasion n’a que trois cheveux, en amour comme en