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pour ma fille et pour moi ; dans quelques jours nous vous rejoindrons dans votre hacienda.

— Il serait possible ! s’écria le comte avec joie.

— Demain, au point du jour, nous partirons ; ainsi hâtez-vous.

— Oh ! mille fois merci.

— Bien, vous voilà rassuré maintenant ?

— Je suis le plus heureux des mortels.

— Tant mieux.

Les deux hommes échangèrent encore quelques mots et se séparèrent en se promettant de nouveau de bientôt se rejoindre.

Don Sylva, habitué à commander despotiquement dans son intérieur et à ne laisser jamais discuter ses volontés, fit dire à sa fille, par une camérière, qu’elle eût à se préparer à partir le jour suivant au lever du soleil pour un assez long voyage, certain de son obéissance.

Cette nouvelle fut un coup de foudre pour la jeune fille.

Elle se laissa aller à demi évanouie sur un siège et fondit en larmes ; il était évident pour elle que ce voyage n’était qu’un prétexte pour la séparer de celui qu’elle aimait et la livrer sans défense au pouvoir de l’homme qu’elle abhorrait et dont on prétendait faire son époux.

La pauvre enfant demeura ainsi pendant de longues heures, affaissée sur elle-même, en proie à un violent désespoir, ne songeant pas à chercher un repos impossible ; car dans l’état où elle se trouvait, elle savait que le sommeil ne parviendrait pas à clore ses paupières gonflées de larmes et rongées de fièvre.