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— Pardon, interrompit vivement l’haciendero, en repoussant d’un geste le papier que lui présentait le comte, nous ne nous entendons plus du tout, il me semble.

— Comment cela ?

— Je m’explique : à votre arrivée à Guaymas, vous vous êtes présenté chez moi, monsieur le comte, porteur d’une lettre de recommandation pressante d’un homme avec lequel, sans avoir jamais été intimement lié, j’ai eu cependant, il y a quelques années, de fort grandes obligations. Le baron de Spurtsheim vous adressait à moi plutôt comme un fils chéri que comme un ami auquel on s’intéresse. Je vous ai ouvert ma maison à deux battants. Je devais le faire. Puis, lorsque je vous ai connu, que j’ai pu apprécier ce qu’il y avait de grand et de noble dans votre caractère, alors nos relations, d’abord un peu froides, sont devenues plus étroites, plus intimes ; je vous ai offert la main de ma fille que vous avez acceptée.

— Avec bonheur ! s’écria le comte.

— Fort bien, reprit l’haciendero en souriant ; l’argent que je pouvais recevoir d’un étranger, argent qu’il me devait légitimement, cet argent appartient à mon gendre. Déchirez donc ce papier, je vous prie, mon cher comte, et ne songeons plus à cette misère.

— Eh ! fit vivement le comte d’un ton chagrin, voilà justement ce qui me tourmente ; je ne suis pas votre gendre encore, et, vous l’avouerai-je, je crains de ne le devenir jamais.

— Et qui peut vous faire supposer cela ? N’avez-vous pas ma promesse ? La parole de don Sylva de