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bâillonné, fut chargé sur les épaules de deux de ses agresseurs, emporté de la salle, monté dans sa chambre, jeté sur son lit et enfermé en un clin d’œil, sans même qu’il songeât à essayer la moindre résistance.

Nous le laisserons se livrer aux réflexions nullement couleur de rose qui probablement l’assaillirent en foule dès qu’il se trouva seul, face à face avec son désespoir, et nous rentrerons dans la grande salle de la locanda où nous attendent des personnages beaucoup plus intéressants pour nous que le pauvre hôtelier.

Les Dauph’yeers, aussitôt qu’ils s’étaient vus maîtres de l’hôtelleriez, avaient en un tour de main rangé les tables contre le mur les unes sur les autres, de façon à débarrasser le centre de la salle, puis ils avaient aligné des bancs sur lesquels enfin ils s’étaient assis.

La locanda del Sol avait en quelques minutes, grâce aux changements qu’on lui avait fait subir, été complètement métamorphosée en club.

Le dernier arrivé des consommateurs de Sarzuela, celui qui avait donné l’ordre de le bâillonner et de le garrotter, jouissait, selon toutes les apparences, d’une certaine influence sur l’honorable compagnie réunie en ce moment dans la salle basse de l’hôtellerie. Dès que le maître de la maison eut disparu, il se débarrassa de son manteau, fit un signe pour demander le silence, et prenant la parole en excellent français :

— Frères, dit-il d’une voix claire et sonore, merci de votre exactitude !

Les Dauph’yeers lui rendirent poliment son salut.