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d’un instant, les règlements de police sont sévères ; il est onze heures, et…

Il ne put en dire davantage ; le vacarme recommença avec plus d’intensité cette fois, et les consommateurs crièrent de nouveau d’une voix de tonnerre :

— À boire !

Alors il s’opéra dans l’esprit de l’hôtelier une réaction facile à comprendre : croyant deviner que c’était à lui personnellement qu’on en voulait, persuadé que ses intérêts étaient en jeu, l’homme poltron disparut pour faire place à l’avare menacé dans ce qu’il a de plus cher, sa propriété.

— Ah ! s’écria-t-il avec une exaspération fébrile, c’est ainsi ! Eh bien, nous allons voir si je suis maître chez moi. Je vais chercher l’alcade !

Cette menace de la justice dans la bouche du digne Sarzuela parut tellement saugrenue à l’assemblée que les consommateurs partirent, avec un ensemble qui faisait leur éloge, d’un éclat de rire homérique au nez du pauvre homme. Ce fut le coup de grâce : la colère de l’hôtelier se changea en folie furieuse, et il se précipita tête baissée vers la porte, au milieu des éclat de rire et des huées inextinguibles de ses persécuteurs.

Mais à peine avait-il franchi le seuil de sa maison qu’un nouvel arrivant l’arrêta sans façon par le bras et le rejeta brusquement dans la salle, en lui disant avec un accent goguenard :

— Quelle mouche vous pique, notre hôte ? Êtes-vous fou de sortir tête nue par un temps pareil, au risque de gagner une pleurésie ?

Puis pendant que le locandero, terrifié et confondu par cette rude secousse, cherchait à reprendre son