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de servir ces pratiques inattendues ; mais alors il arriva une chose singulière et à laquelle le señor Sarzuela était fort loin de s’attendre ; bien que le proverbe dise qu’abondance de biens ne nuit pas, et que les proverbes soient la sagesse des nations, il se trouva que l’affluence des gens qui paraissaient s’être donné rendez-vous chez lui devint en peu de temps si considérable et prit des proportions si gigantesques que l’hôtelier finit par s’en effrayer lui-même ; car son auberge, vide un instant auparavant, se trouva si remplie qu’il ne sut bientôt plus où placer les arrivants qui entraient sans discontinuer. Du reste, la foule, après avoir envahi la grande salle avait, comme une mer qui monte toujours, débordé dans la salle y attenant ; puis elle avait escaladé les escaliers et s’était répandue dans les étages supérieurs qu’elle avait de même encombrés.

Au premier coup de onze heures plus de deux cents consommateurs peuplaient la locanda del Sol.

Le locandero, avec cette finesse qui était un des points les plus saillants de son caractère, comprit alors que quelque chose d’extraordinaire allait se passer et que sa maison allait probablement en être le théâtre.

Alors un tremblement convulsif s’empara de lui ; la peur le saisit aux cheveux, il chercha dans sa tête le moyen qu’il pourrait employer pour se débarrasser de ces hôtes sinistres et silencieux.

En désespoir de cause, il se leva d’un air qu’il affecta de rendre le plus résolu possible, et s’avança vers la porte comme pour clore son établissement.

Les consommateurs, toujours muets comme des poissons, ne firent pas un geste pour se retourner ; ils feignirent au contraire de ne rien voir.