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lent, tous les commerces y sont exploités ; sa population est le composé le plus bizarre des personnalités les plus excentriques, accourues des points les plus éloignés des cinq parties du monde pour venir se mettre à l’affût de la fortune dans cet ville, sentinelle avancée de la civilisation transatlantique, et dont l’influence occulte gouverne les républiques hispano-américaines.

Valparaiso, comme presque tous les grands centres commerçants de l’Amérique du Sud, est un amas de bouges informes et de palais magnifiques appuyés les uns contre les autres, et pendant en longues grappes sur les flancs abrupts de ses trois montagnes.

À l’époque où se passe l’histoire que nous allons raconter, les rues étaient étroites, sales, privées d’air et de soleil ; le pavage, parfaitement ignoré, en faisait de véritables cloaques, dans lesquels les piétons entraient jusqu’au genou, lorsque les pluies diluviennes de la saison d’hiver avaient détrempé le sol, ce qui rendait indispensable l’usage du cheval, même pour les courses les plus courtes.

Des miasmes délétères s’échappaient incessamment de ces bourbiers, grossis par les immondices de toute espèce que le nettoyage quotidien des habitations y accumulait, sans que jamais personne songeât à assainir ces foyers permanents de fièvres pernicieuses.

Aujourd’hui, dit-on, cet état de choses a changé, et Valparaiso ne se ressemble plus à lui-même ; nous voulons le croire, quoique l’incurie du Sud américain, bien connue de nous, nous engage à beaucoup de circonspection à cet égard.