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Le jeune homme tressaillît, le baron était à ses côtés.

— Venez, mon ami, lui dit-il en l’aidant à monter dans la voiture, je vous accompagne jusqu’à la barrière.

Le comte monta en chancelant et se laissa tomber sur un coussin.

— Route de Normandie ! cria le baron au postillon en fermant la portière.

Le postillon fit claquer son fouet, la chaise de poste s’ébranla et partit au galop.

— Adieu ! adieu ! crièrent les jeunes gens penchés aux fenêtres du café Anglais.

Pendant assez longtemps les deux hommes demeurèrent silencieux ; enfin le baron prit la parole :

— Gaétan ! dit-il.

— Que me voulez-vous ? répondit celui-ci.

— Je n’ai pas fini de vous conter mon histoire.

— C’est vrai, murmura-t-îl distraitement.

— Ne voulez-vous pas que je la termine ?

— Parlez, mon ami.

— Comme vous me dites cela, cher ! votre esprit voyage dans les espaces imaginaires ; vous songez à ceux que vous quittez, sans doute.

— Hélas ! murmura le comte avec un soupir, je suis seul sur la terre. Que puis-je regretter ? je n’ai ni parents ni amis.

— Ingrat ! fit le baron d’un ton de reproche.

— C’est vrai ; pardonnez-moi, cher ; je ne songeais pas à ce que je disais.

— Je vous pardonne, mais à la condition que vous m’écouterez.

— Je vous le promets.