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Il y eut un assez long silence ; chacun réfléchissait à ce qu’il venait d’entendre ; le baron lui-même avait laissé tomber sa tête dans ses mains, et semblait perdu dans le monde d’idées qu’il avait réveillées et qui maintenant l’assaillaient en foule, rappelant en lui des souvenirs pleins de douleur et d’amertume.

Un roulement lointain de voiture qui se rapprochait rapidement rappela le comte de Lhorailles à la gravité de la situation présente.

— Voici ma chaise, fit-il, je vais partir, et je ne sais rien.

— Patience, répondit le baron, dites adieu à vos amis et partons.

Subissant malgré lui l’influence de cet homme singulier, le comte lui obéit sans songer à lui adresser la moindre observation.

Il se leva, embrassa chacun de ses anciens amis, échangea avec eux de chaleureuses poignées de main, reçut leurs souhaits de bonne réussite, et quitta le cabinet suivi par le baron.

La chaise de poste attendait en face du café. Les jeunes gens avaient ouvert les fenêtres du cabinet et faisaient de nouveaux signes d’adieu à leur ami.

Le comte jeta un long regard sur le boulevard : la nuit était sombre, bien que la pluie ne tombât plus, le ciel était noir, les becs de gaz scintillaient faiblement dans le lointain comme des étoiles perdues dans la brume.

— Adieu ! murmura le gentilhomme d’une voix étouffée, adieu ! qui sait si jamais je reviendrai.

— Courage ! fit une voix sévère à son oreille.