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ment avez-vous amassé cette colossale fortune, ansi que vous la nommez vous-même ?

— Quarante millions à peu près, répondit froidement le baron.

Un frisson de convoitise fit tressaillir l’assemblée.

— Fortune colossale, en effet, reprit le comte ; mais, je le répète, comment l’avez-vous gagnée ?

— Si je n’avais eu l’intention formelle de vous le révéler, croyez bien, cher, que je n’aurais pas abusé de votre patience pour vous narrer les pauvretés que vous venez d’entendre.

— Nous écoutons ! s’écrièrent les convives.

Le baron promena lentement son regard froid sur les assistants.

— Avant tout buvons un verre de champagne au succès de notre ami, fit-il de son ton sarcastique.

Les verres furent remplis, choqués et vidés en un clin d’œil, tant était grande la curiosité des convives.

Après avoir reposé son verre devant lui, le baron alluma un regalia, et se tournant vers le comte :

— C’est particulièrement à vous que je m’adresse maintenant, mon ami, dit-il vous êtes jeune, entreprenant, doué d’une santé de fer et d’une volonté énergique : il est incontestable pour moi que si la mort ne vient pas contrarier vos projets, vous réussirez, quelles que soient les entreprises que vous formiez, ou le but que vous vous donniez. Dans la vie que vous entreprenez, la principale cause de succès, je dirai presque la seule, c’est de connaître à fond le terrain sur lequel on veut manœuvrer et la société dans laquelle on se propose d’entrer. Si, à mon début dans la vie