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il releva la tête et fixa sur le comte un regard froid et profond.

— Est-ce bien sérieusement que vous partez, mon ami, lui dit-il.

— Bien sérieusement.

— Me le jurez-vous sur l’honneur ?

— Oui, sur l’honneur, je vous le jure.

— Et vous êtes réellement résolu à vous créer, en Amérique, une position au moins égale à celle que vous aviez ici ?

— Oui, s’écria-t-il vivement, par tous les moyens possibles.

— C’est bien. À votre tour, écoutez-moi, comte, et si vous voulez faire votre profit de ce que je vais vous révéler, peut-être, si Dieu vous vient en aide, réussirez-vous à accomplir les projets insensés que vous avez formés.

Tous les convives se rapprochèrent avec curiosité ; le comte lui-même se sentit intéressé malgré lui.

Le baron de Spurtzheim était un homme de quarante-cinq ans environ ; son teint hâlé, ses traits fortement accentués et son regard empreint d’une expression indéfinissable, lui donnaient un cachet d’étrangeté qui échappait à l’analyse du vulgaire et le faisait, aux yeux de la foule et même à ceux de beaucoup d’esprits d’élite, considérer comme un homme réellement remarquable.

On ne connaissait du baron que sa colossale fortune qu’il dépensait royalement ; mais quant à ses antécédents, tout le monde les ignorait, bien qu’il fût reçu dans la meilleure société.

Seulement on disait vaguement qu’il avait fait de longs voyages, et avait, pendant plusieurs années,