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lité des gens rassemblés dans la pulqueria, nous sommes contraint de faire quelques pas en arrière.

Trois ans environ avant l’époque où se passe notre histoire, par une froide et pluvieuse nuit de décembre, huit hommes, semblant par le costume et les manières appartenir à la haute société parisienne, étaient réunis dans un élégant cabinet du café Anglais.

La nuit était avancée : les bougies, aux deux tiers, consumées, ne répandaient qu’une lueur triste ; la pluie fouettait les vitres et le vent sifflait avec des mugissements lugubres.

Les convives, assis autour de la table devant les reliefs d’un splendide souper, paraissaient malgré eux s’être laissé envahir par la tristesse morne qui planait sur la nature, et, à demi renversés sur le dossier de leurs sièges, les uns sommeillaient et les autres, perdus dans leurs pensées, ne portaient aucune attention à ce qui se passait autour d’eux.

La pendule placée sur la cheminée sonna lentement trois heures ; à peine le dernier coup eut-il fini de résonner sur le timbre, que les claquements répétés du fouet d’un postillon et les grelots des chevaux se firent entendre sous les fenêtres du cabinet donnant sur le boulevard.

La porte s’ouvrit, un garçon parut.

— La chaise de poste que Monsieur le comte de Lhorailles a demandée attend, dit-il.

— Merci, répondit un des convives, en congédiant le garçon d’un geste.

Celui-ci salua et sortit en fermant la porte derrière lui.

Les quelques mots prononcés par cet homme