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d’Aigle en disant d’une voix haute et accentuée :

— Mon père est le premier sachem de la valeureuse nation des Comanches ; la sagesse repose en lui, bien que les neiges de l’âge n’aient pas encore glacé la pensée dans son cerveau. De même que tous les hommes, il est sujet à l’erreur ; que mon père réfléchisse avant de prendre la parole : les mots que soufflera sa poitrine à ses lèvres doivent être tels que des Comanches les puissent entendre.

— Mon fils a bien parlé, répondit le sachem. Il prit le tuyau et fuma silencieusement pendant quelques instants, puis il ôta l’extrémité du tuyau de sa bouche et le passa à son plus proche voisin.

La pipe fit ainsi le tour du cercle sans qu’aucun chef prononçât une parole.

Lorsque chacun eut fumé, que tout le tabac contenu dans la pipe fut brûlé, le porte-pipe secoua la cendre dans sa main gauche, et la jeta dans le brasier en s’écriant :

— Ici des chefs sont réunis en conseil ; leurs paroles sont sacrées. Wacondah a entendu notre prière, elle est exaucée. Malheur à celui qui oubliera que sa conscience doit être son seul guide !

Après avoir prononcé ces quelques mots avec une majesté suprême, le porte-pipe sortit du cercle en jetant un dernier regard sur les chefs accroupis autour de lui, et en murmurant d’une voix basse, mais parfaitement intelligible :

— Ainsi que les cendres que j’ai jetées dans le brasier ont disparu pour toujours, ainsi les paroles des chefs doivent être sacrées et ne jamais être rapportées hors du cercle du sachem. Que mes pères parlent, le conseil est commencé.