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L’haciendero se pencha en dehors. D’un geste il demanda le silence.

Instinctivement la foule se tut et se rapprocha, devinant qu’il allait se passer quelque chose d’intéressant pour elle.

Señores caballeros y amigos, dit l’haciendero d’une voix forte, un homme que je ne connais pas a osé offrir à ma fille l’or gagné par lui au monté. Doña Anîta méprise de tels présents, surtout venant d’un individu avec lequel elle ne veut entretenir aucunes relations amicales ou autres. Elle me prie de vous distribuer cet or, auquel elle ne veut toucher en aucune façon ; elle désire faire éclater ainsi en présence de tous le mépris que lui inspire l’homme qui a osé lui faire une telle insulte.

Le discours improvisé par l’haciendero fut couvert des applaudissements frénétiques des leperos et autres mendiants réunis, dont les yeux étincelaient de convoitise.

Anita sentait des larmes brûlantes inonder ses paupières, malgré les efforts inouïs auxquels elle se condamnait pour demeurer impassible, son cœur était près de se briser.

Sans se préoccuper de sa fille, don Sylva ordonna à ses domestiques de jeter les onces dans la rue.

Alors une pluie d’or commença littéralement à tomber sur les misérables qui se ruaient avec une ardeur sans nom sur cette manne d’une nouvelle espèce.

La calle de la Merced offrait alors le plus singulier spectacle qui se puisse imaginer.

L’or pleuvait, pleuvait toujours ; il semblait inépuisable.