L’aspect du paysage était complètement changé : de l’autre côté de la rivière une herbe drue et forte couvrait le sol, d’immenses forêts vierges verdissaient à l’horizon.
— Ouf ! murmura don Sylva en se laissant aller sur le sol avec une expression de bien-être indicible, quelle course ! je suis rompu ; si cela durait seulement un jour, voto a brios ! je ne pourrais y résister. Je n’ai ni faim ni soif, je vais dormir.
Tout en disant cela, l’haciendero s’était accommodé le plus confortablement possible pour se livrer au sommeil.
— Pas encore, don Sylva, lui dit vivement le Tigrero en le secouant brusquement par le bras ; voulez-vous donc laisser vos os ici ?
— Allez au diable ! je veux dormir, vous dis-je.
— Fort bien, répondit froidement don Martial ; mais si doña Anita et vous tombez entre les mains des Apaches, vous ne m’en rendrez pas responsable, n’est-ce pas ?
— Hein ! s’écria l’haciendero en se relevant et le regardant en face, que me parlez-vous d’Apaches ?
— Je vous répète que les Apaches sont à notre poursuite ; nous avons à peine quelques heures d’avance sur eux ; si nous ne nous hâtons pas, nous sommes perdus !
— Canarios ! il faut fuir ! s’écria don Sylva complètement réveillé ; je ne veux pas que ma fille tombe entre les mains de ces démons.
Quant à doña Anita, peu lui importait en ce moment ; elle donnait à poings fermés.
— Laissons manger les chevaux, nous partirons ensuite ; nous avons une longue traite à faire, il faut