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fantastique et des reflets lugubres qui font frissonner les plus braves.

Ce calme sépulcral du désert, cette solitude qui vous environne, vous presse de toutes parts et pour vous se peuple de spectres ; cette obscurité qui vous enserre comme un linceul de plomb, tout se réunit pour troubler le cerveau et faire naître en lui une espèce de fièvre de peur, si l’on peut employer cette expression, que les vivifiants rayons du soleil levant sont seuls assez puissants pour faire rentrer dans le néant.

Malgré eux, nos personnages subissaient l’obsession de ces chimères inventées par un cerveau malade ; ils couraient dans la nuit, sans se rendre bien compte du motif qui les poussait à agir ainsi, ne sachant où ils allaient, ne s’en occupant même pas ; la tête lourde, les yeux appesantis par le sommeil, les paupières fermées, ils n’avaient qu’une pensée : dormir. Emportés par leurs chevaux avec une rapidité vertigineuse, les arbres et les rochers couraient autour d’eux comme dans un steeplechase infernal ; ils se hâtaient alors de fermer complètement les yeux, de s’assurer sur leurs selles et de s’abandonner à ce sommeil qui les accablait et contre lequel ils ne se sentaient pas la force de résister.

Le sommeil est peut-être le plus impérieux et le plus tyrannique besoin de l’homme ; il fait tout mépriser, tout oublier.

L’homme accablé de sommeil s’y livrera quand même, n’importe où, quel que soit le danger qui le menace. La faim ou la soif peuvent se dompter pendant un certain temps à force de volonté et de