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leva fièrement la tête en envoyant un regard de défi du côté des ennemis, qui déjà paraissaient certains de s’emparer de ses compagnons, et, enfonçant les éperons dans le ventre de son cheval, il partit à fond de train.

Lorsqu’il arriva à l’endroit où la caravane était campée, à part un peon qui faisait sentinelle, tout le monde dormait.

La nuit était déjà assez avancée, il était à peu près une heure du matin : la lune répandait une clarté éblouissante qui permettait de voir presque comme en plein jour. Les Apaches ne se mettraient pas en marche avant le lever du soleil : c’était à peu près quatre heures qu’il avait devant lui pour agir. Il résolut d’en profiter. Quatre heures bien employées sont énormes dans une fuite.

Le Tigrero commença par bouchonner son cheval avec soin, afin de lui rendre l’élasticité de ses membres, car il allait avoir besoin de toute sa légèreté ; puis, aidé par les peones, il chargea les mules et sella les chevaux.

Ce dernier soin pris, il réfléchit un instant et s’occupa à envelopper les pieds des chevaux de petits morceaux de peau de mouton remplis de sables.

Ce stratagème devait, dans son idée, dérouter les Indiens, qui, ne reconnaissant pas les traces sur lesquelles ils comptaient, croiraient à une fausse piste.

— Pour plus de sûreté, il ordonna d’abandonner deux ou trois outres de mezcal sous le rocher ; il connaissait le penchant des Apaches pour les liqueurs fortes et comptait sur leur ivrognerie.

Cela fait, il réveilla don Sylva et sa fille.