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L’haciendero soupira sans répondre et laissa tomber sa tête pensive sur sa poitrine.

Don Martial s’éloignait rapidement à la lueur tremblante de la lune qui répandait sur le paysage désolé du désert ses rayons blafards et fantastiques. Parfois il rencontrait de lourds rochers posés en équilibre, muettes et sinistres sentinelles dont l’ombre gigantesque tigrait au loin le sable grisâtre ; ou bien c’étaient de gigantesques ahuehuelts dont les branches décharnées étaient chargées de cette mousse épaisse nommée barbe d’Espagnol, qui tombait en longs festons et semblait s’agiter au souffle léger de la brise.

Après une heure et demie de marche à peu près, le Tigrero arrêta sa monture, mit pied à terre et regarda attentivement autour de lui.

Bientôt il eut trouvé ce qu’il cherchait : à peu de distance de lui, le vent et la pluie avaient creusé un ravin assez profond ; il y fit descendre son cheval, l’attacha solidement à une énorme pierre, lui serra les naseaux afin de l’empêcher de hennir, et jetant son rifle sur son épaule, il s’éloigna.

De l’endroit où il se trouvait en ce moment le feu était visible, le sillon rouge qu’il traçait dans l’air se détachait vigoureusement dans l’obscurité.

Autour du feu se tenaient immobiles et recueillies plusieurs ombres que du premier coup d’œil le Tigrero reconnut pour des Indiens.

Le Mexicain ne s’était pas trompé, son expérience ne lui avait pas fait défaut ; c’étaient bien des Peaux-Rougés qui campaient là, dans le désert, à peu de distance de sa troupe.

Mais quels étaient ces Indiens ? étaient-ils amis ou ennemis ? Voilà ce qu’il fallait absolument savoir.