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est probable qu’ils ont allumé ce feu afin de les tromper et de les obliger à y rentrer.

L’haciendero demeura rêveur. Les raisons que lui donnaient don Martial lui semblaient justes ; il ne savait à quoi se déterminer.

— Enfin, dit-il au bout d’un instant, que concluez-vous de tout cela ?

— Que nous aurions tort, répondit résolument don Martial, de perdre davantage notre temps ici à chercher des gens qui n’y sont plus et à courir le risque d’être enveloppés dans une tempête que chaque heure qui s’écoule rend plus imminente dans une contrée comme celle-ci, continuellement bouleversée par des ouragans terribles.

— Ainsi, vous retourneriez sur vos pas ?

— Loin de là ; je pousserais en avant, au contraire, j’entrerais le plus tôt possible dans l’Apacheria, car je suis convaincu que je serais bientôt sur la trace de nos amis.

— Oui, ceci me semble assez juste ; seulement nous sommes loin encore des prairies.

— Pas autant que vous le supposez ; mais quant à présent, restons-en là de notre conversation ; je veux aller à la découverte, ce feu m’intrigue plus que je ne saurais dire, je vais l’examiner de près.

— Soyez prudent.

— Ne s’agit-il pas de votre salut ? répondît le Tigrero en jetant un doux et triste regard à doña Anita.

Il se leva, sella son cheval en un tour de main, et après s’être orienté, il partit au galop.

— Brave cœur ! murmura doña Anita en le voyant disparaître dans le brouillard.