aussi facile de les voir que d’apercevoir ce rocher qui est là bas ; ils auraient allumé non pas un feu, mais dix, mais vingt brasiers, dont les flammes, et surtout la fumée épaisse nous auraient immédiatement révélé leur présence ; ils ne choisissent pas leur bois, eux ; sec ou mouillé, peu leur importe ; ils ignorent l’importance qu’il y a, dans le désert, à découvrir son ennemi sans laisser soupçonner sa présence.
— Vous concluez de cela ?
— Je conclus que le feu que vous avez découvert a été allumé par des sauvages ou au moins par des coureurs des bois aguerris aux choses de la vie indienne. Tout le fait supposer ; voyez vous-même, qui, sans en avoir une grande expérience, connaissez cependant un peu l’existence du désert, vous l’avez pris pour un nuage ; tout observateur superficiel aurait commis la même erreur que vous, tant la gerbe est fine, déliée, onduleuse et tant sa couleur se marie bien avec toutes ces vapeurs que le soleil pompe incessamment et qui s’élèvent de terre. Les hommes, quels qu’ils soient, qui ont allumé ce feu, n’ont rien laissé au hasard ; ils ont tout calculé, tout prévu ; ou je me trompe fort, ou ce sont des ennemis.
— À quelle distance les supposez-vous de nous ?
— À quatre lieues, au plus ; qu’est-ce que quatre lieues dans le désert, lorsqu’il est si facile de les parcourir en ligne droite ?
— Ainsi, votre avis serait ?… fit l’haciendero.
— Pesez bien mes paroles, don Sylva ; surtout, je vous en prie, ne leur donnez pas une interprétation autre que celle que je prétends leur donner. Par un prodige dont il existe peu d’exemples dans les